Une IRM du cerveau n’est pas un simple cliché. C’est une fenêtre détaillée sur ce qui se passe à l’intérieur de votre tête - sans aucune radiation, sans douleur, et avec une précision que n’atteint aucune autre technique. Si vous avez reçu un rendez-vous pour une IRM cérébrale, vous vous demandez probablement : qu’est-ce qu’ils cherchent exactement ? Et pourquoi cette image est-elle si différente des autres ?
Comment fonctionne une IRM du cerveau ?
Contrairement à un scanner (TDM), qui utilise des rayons X, l’IRM utilise un champ magnétique puissant, des ondes radio et un ordinateur pour créer des images. Elle ne détruit pas les cellules, ne brûle rien, et ne vous expose à aucune radiation. C’est pourquoi elle est idéale pour les enfants, les femmes enceintes (après le premier trimestre), et pour les suivis à long terme, comme dans la sclérose en plaques.
Les machines les plus courantes en clinique sont les IRM de 1,5 Tesla ou 3 Tesla. La différence ? Une IRM à 3 Tesla offre environ 40 % de meilleur rapport signal sur bruit. Cela signifie qu’elle voit mieux les petits détails : les nerfs crâniens, les petites lésions près des ventricules, ou les micro-hémorragies. En France, la plupart des hôpitaux disposent de machines à 1,5 T, mais les centres universitaires et les grands hôpitaux ont souvent des 3 T.
Une séance d’IRM dure entre 30 et 45 minutes. Vous devez rester parfaitement immobile. Même un léger mouvement peut flouter les images. Si vous êtes claustrophobe, demandez un sédatif à votre médecin. Ce n’est pas une faiblesse - c’est une nécessité pour avoir une bonne image.
Les séquences clés : T1, T2, FLAIR, DWI
Une IRM ne fait pas une seule photo. Elle en fait plusieurs, chacune avec un but différent. Ces images s’appellent des séquences. Voici les quatre essentielles :
- T1 pondéré : C’est l’image qui ressemble le plus à une photo anatomique. Le liquide céphalo-rachidien (LCR) est noir. La matière blanche est grise claire, la matière grise est grise foncée. C’est celle qu’on utilise pour voir la forme normale du cerveau, les tumeurs, ou les changements après un traitement.
- T2 pondéré : Ici, l’eau brille. Le LCR est blanc, mais aussi les lésions : un œdème, une inflammation, une tumeur. C’est la séquence la plus sensible pour détecter une anomalie. Mais elle a un défaut : le LCR et les lésions ressemblent à tout point pareil. C’est pourquoi on a besoin de la suivante.
- FLAIR : C’est le T2… mais avec un filtre. Le LCR est noir. Les lésions, elles, restent blanches. C’est la clé pour voir les plaques de sclérose en plaques autour des ventricules. Sans FLAIR, on confondrait les lésions avec le LCR. En pratique, les neuroradiologues regardent d’abord FLAIR pour repérer les anomalies.
- DWI (diffusion-weighted imaging) : C’est la séquence la plus rapide pour détecter un accident vasculaire cérébral (AVC). Dès 30 minutes après l’arrêt du flux sanguin, l’eau dans les cellules nerveuses ne peut plus circuler normalement. Sur DWI, ça brille. Sur l’image ADC (qui va avec), ça devient noir. Si vous voyez un point blanc sur DWI et noir sur ADC, c’est un AVC aigu. C’est une découverte qui change tout : il faut agir dans les 4 à 6 heures.
Une autre séquence importante, moins utilisée en routine, est le SWI (susceptibility-weighted imaging). Elle révèle les micro-hémorragies, même les plus petites, comme celles causées par l’hypertension ou les maladies des vaisseaux. Elle peut montrer des saignements invisibles sur les autres séquences, avec une sensibilité à 0,5 mg/dL d’hémosidérine - ce qui équivaut à une goutte de sang dans une cuillère d’eau.
Les lésions les plus fréquentes et ce qu’elles veulent dire
Quand un radiologue regarde une IRM, il cherche d’abord ce qui est normal. Puis il cherche ce qui ne l’est pas. Voici les anomalies les plus courantes, et ce qu’elles signifient vraiment.
- Les lésions blanches du white matter : Ces petites taches claires sur FLAIR sont très fréquentes. Chez les moins de 50 ans, elles apparaissent chez 15 % des personnes. Chez les plus de 70 ans, c’est 90 %. Ce n’est pas toujours une maladie. C’est souvent un signe de vieillissement des petits vaisseaux, lié à l’hypertension ou au diabète. Mais si elles sont nombreuses, symétriques, et autour des ventricules, elles peuvent être des plaques de sclérose en plaques. La différence ? Les plaques de SP sont souvent en forme de noyau, alignées perpendiculairement aux ventricules. Les lésions bénignes sont plus irrégulières et diffuses.
- Les infarctus lacunaires : Ce sont de très petites zones (2 à 5 mm) de mort cellulaire dans les profondeurs du cerveau, souvent au niveau des ganglions de la base ou du thalamus. Elles viennent de petits vaisseaux bouchés. Elles ne causent pas toujours de symptômes - on les appelle « silencieuses ». Mais si vous en avez plusieurs, votre risque de démence ou d’AVC augmente. Elles sont un avertissement : votre pression artérielle ou votre cholestérol doivent être mieux contrôlés.
- Les tumeurs : Une tumeur cérébrale ne ressemble jamais à un simple point blanc. Elle déforme les structures, déplace les vaisseaux, et souvent, elle entoure une zone d’œdème (qui brille sur FLAIR). Les tumeurs bénignes comme les méningiomes sont bien délimitées. Les malignes comme les glioblastomes ont des bords flous, comme une tache d’encre. Le contraste (gadolinium) aide à les voir : les tumeurs actives absorbent le produit, et brillent.
- Les anévrismes et les malformations vasculaires : Sur une IRM standard, on ne voit pas toujours les vaisseaux. Mais avec une séquence spéciale appelée MR angiography, on peut voir les artères comme sur une radiographie. Un anévrisme est une poche qui se forme sur une artère. S’il est gros, il peut comprimer un nerf. S’il éclate, c’est une urgence. Les malformations artério-veineuses (MAV) sont des nœuds de vaisseaux mal formés. Elles peuvent saigner ou provoquer des crises d’épilepsie.
- Les lésions de la fosse postérieure : C’est la zone à l’arrière du cerveau, près de la moelle. Le scanner ne la voit pas bien à cause des os. L’IRM, elle, la voit parfaitement. C’est ici qu’on trouve les tumeurs du nerf auditif (schwannome vestibulaire), les infarctus du cervelet, ou les anomalies de la moelle allongée. Un schwannome de 2 mm peut être détecté par IRM - alors qu’il faudrait un scanner à 5 mm pour le voir.
IRM vs Scanner : quand choisir quoi ?
On pense souvent que l’IRM est toujours meilleure. Ce n’est pas vrai. Chaque outil a son moment.
Le scanner est plus rapide. En 5 minutes, il peut dire si vous avez une hémorragie cérébrale après un traumatisme. Il voit aussi les fractures du crâne. C’est pourquoi, en urgence, on commence toujours par un scanner. Si le scanner est normal, mais que les symptômes persistent, on fait une IRM.
L’IRM est supérieure pour tout ce qui est tissu mou : les tumeurs, les infections, les maladies démyélinisantes, les AVC précoces. Elle détecte 97 % des plaques de sclérose en plaques, contre 65 % pour le scanner. Elle voit les premiers signes d’un AVC en 30 minutes, alors que le scanner peut mettre 6 à 24 heures.
Le scanner coûte environ 500 à 1 500 € en France. L’IRM, elle, coûte entre 1 200 et 3 500 €. Ce n’est pas juste une question de prix. C’est aussi une question d’accessibilité. Dans les zones rurales, 42 % des hôpitaux n’ont pas d’IRM. Dans les villes, c’est 91 %. C’est pourquoi, dans certains cas, on doit attendre ou se déplacer.
Les pièges courants et ce qu’il ne faut pas confondre
Même les radiologues expérimentés peuvent se tromper - surtout au début. Voici les erreurs les plus fréquentes :
- Confondre les vaisseaux avec des lésions : Les vaisseaux sanguins ont un vide dans l’image (flow void). C’est normal. Mais un débutant peut le prendre pour une tumeur ou une lésion. Cela arrive dans 5 % des cas.
- Sur-estimer l’atrophie : Sur T2, le LCR est blanc, donc les ventricules semblent plus grands. Sur FLAIR, le LCR est noir - c’est là qu’on voit la vraie taille du cerveau. Si vous voyez des ventricules dilatés sur T2 mais normaux sur FLAIR, ce n’est pas de l’atrophie. C’est juste un effet de la séquence.
- Ignorer l’angle cérebello-pontique : Cette zone est petite, et les lésions sont souvent invisibles… sauf si on les cherche. Un schwannome de 3 mm peut être là, silencieux, sans symptôme. Mais il faut le regarder. C’est une règle : vérifier cet angle à chaque IRM.
- Interpréter les lésions blanches comme de la sclérose en plaques : Ce n’est pas toujours vrai. Les personnes âgées, les hypertendus, les diabétiques ont souvent des lésions blanches. Il faut regarder la forme, la localisation, et l’histoire clinique. Une plaque de SP est souvent en forme de « noyau » ou en « plaque » autour des ventricules. Une lésion bénigne est plus diffuse, plus irrégulière.
Que faire après une IRM ?
Une IRM ne donne pas un diagnostic tout seul. Elle donne des indices. Le médecin doit les mettre en relation avec vos symptômes : vos maux de tête, vos pertes de mémoire, vos engourdissements, vos crises.
Par exemple : une lésion blanche dans le lobe temporal + fièvre + troubles du comportement → cela peut être une encéphalite à herpes. Une lésion dans le lobe pariétal-occipital + hypertension + confusion → cela peut être un syndrome de réversibilité postérieure. Un point blanc sur DWI + perte soudaine de la parole → AVC aigu.
Si votre IRM est normale, mais que vous avez des symptômes persistants, ne vous découragez pas. Certaines maladies comme la migraine chronique ou le syndrome de fatigue chronique ne laissent pas de trace sur l’IRM. L’American College of Radiology dit clairement : une IRM n’est pas nécessaire pour un mal de tête simple sans signe neurologique. Et pourtant, 80 % des patients en reçoivent une - ce qui augmente les coûts et le stress inutile.
Si votre IRM montre une anomalie, demandez : Est-ce que c’est lié à mes symptômes ? Est-ce que ça change mon traitement ? Est-ce que je dois faire autre chose ?
Les nouvelles avancées : l’avenir de l’IRM cérébrale
L’IRM ne s’arrête pas à la photo. Elle devient une mesure. Des techniques comme l’imagerie par diffusion tensorielle (DTI) permettent de voir les fibres nerveuses comme des routes dans le cerveau. Elle est déjà utilisée dans 68 % des centres pour la sclérose en plaques.
Des logiciels d’intelligence artificielle peuvent réduire le temps d’examen de moitié, sans perdre en qualité. Le logiciel Quantib, approuvé par la FDA, analyse automatiquement les lésions de la sclérose en plaques et les compare aux IRM précédentes - en quelques secondes.
À l’avenir, on pourra mesurer la myéline dans le cerveau, ou le flux sanguin local. Ces biomarqueurs quantitatifs devraient entrer dans la pratique courante d’ici 2027. Pourquoi ? Parce que la médecine ne veut plus juste voir une lésion. Elle veut savoir si elle évolue, si elle guérit, si un traitement marche.
En 2025, l’IRM reste la référence absolue pour le cerveau. Elle n’est pas parfaite, mais elle est la plus complète. Ce n’est pas une simple image. C’est un dialogue entre la technologie, l’expertise, et votre corps.
Une IRM du cerveau est-elle dangereuse ?
Non, l’IRM n’utilise pas de rayons X ni de radiation. Elle est sans danger pour la plupart des gens. Les seules contre-indications sont les implants métalliques non compatibles : pacemakers, stimulateurs nerveux, prothèses cochléaires, ou certains clips d’anévrisme. Si vous avez un implant, dites-le toujours avant l’examen. Le champ magnétique peut le déplacer ou le faire chauffer.
Pourquoi faut-il rester immobile pendant l’IRM ?
Les images de l’IRM sont extrêmement détaillées - elles montrent des structures de moins d’un millimètre. Même un léger mouvement, comme une respiration profonde ou un hochement de tête, peut flouter les images. Si les images sont floues, le radiologue ne peut pas voir les petites lésions. Cela peut conduire à un diagnostic erroné ou à devoir refaire l’examen.
Qu’est-ce qu’un produit de contraste en IRM ? Est-ce nécessaire ?
Le produit de contraste (gadolinium) est un liquide injecté par veine. Il permet de voir les zones où la barrière hémato-encéphalique est endommagée - comme dans les tumeurs, les infections ou les poussées de sclérose en plaques. Il n’est pas toujours nécessaire. Pour un AVC aigu, une IRM sans contraste suffit. Pour une tumeur ou une infection, il est souvent indispensable. Les effets secondaires sont rares : une réaction allergique très légère dans 1 à 2 % des cas. Les patients ayant une insuffisance rénale sévère doivent être évalués avant injection.
Une IRM peut-elle diagnostiquer la maladie d’Alzheimer ?
L’IRM ne peut pas diagnostiquer la maladie d’Alzheimer avec certitude, mais elle peut montrer des signes très probants : une atrophie marquée de l’hippocampe et du lobe temporal, une dilatation des ventricules, et une perte de volume du cortex. Ces signes, combinés à des tests cognitifs, permettent d’établir un diagnostic probable. Pour un diagnostic définitif, il faudrait une biopsie - ce qui n’est pas possible en pratique. Les nouvelles techniques comme l’amyloïde-PET/IRM sont plus précises, mais elles restent rares et coûteuses.
Pourquoi mon médecin m’a-t-il demandé une IRM pour un simple mal de tête ?
Si votre mal de tête est classique, sans signe neurologique (pas de faiblesse, pas de troubles de la vue, pas de crise), l’IRM n’est pas recommandée. L’American College of Radiology donne une note de 2 sur 9 pour ce cas - ce qui signifie « généralement inapproprié ». Mais si vous avez un mal de tête nouveau, qui empire, ou qui change de nature, ou si vous avez plus de 50 ans, l’IRM peut être justifiée pour éliminer une tumeur, un anévrisme ou une hypertension intracrânienne. C’est une question de risque, pas de peur.
Ecrit par Gaëlle Veyrat
Voir tous les articles par: Gaëlle Veyrat