Douleur neuropathique : comparaison entre gabapentine et prégabaline

Douleur neuropathique : comparaison entre gabapentine et prégabaline

Qu’est-ce que la douleur neuropathique ?

La douleur neuropathique n’est pas une simple douleur ordinaire. Elle vient d’un nerf endommagé, irrité ou malade. Imaginez un fil électrique qui a été coupé ou dénudé : il envoie des signaux erronés, comme des décharges électriques spontanées. C’est ce qui se passe dans le système nerveux. Cette douleur peut être brûlante, lancinante, ou ressembler à des décharges électriques. Elle ne répond pas bien aux analgésiques classiques comme le paracétamol ou l’ibuprofène. Les causes les plus fréquentes sont la neuropathie diabétique, la névralgie post-zona, et les douleurs liées à la chimiothérapie. En France, environ 7 à 10 % de la population en souffre, ce qui en fait une des douleurs chroniques les plus répandues.

Les deux médicaments de première ligne : gabapentine et prégabaline

Depuis plus de vingt ans, la gabapentine et la prégabaline sont les deux piliers du traitement de la douleur neuropathique. Elles appartiennent à la même famille, appelée gabapentinoides, mais ne sont pas identiques. La gabapentine a été approuvée en France pour la névralgie post-zona en 2002, tandis que la prégabaline l’a été en 2005. Les deux agissent sur les mêmes cibles dans les nerfs : les canaux calciques du sous-unité α2δ. En réduisant la libération de neurotransmetteurs excitants comme le glutamate, elles calment les signaux de douleur anormaux. Mais leur efficacité, leur vitesse d’action et leur façon d’être absorbées par le corps sont très différentes.

Comment fonctionnent-elles vraiment ?

La gabapentine et la prégabaline ressemblent à la GABA, un neurotransmetteur inhibiteur, mais elles n’agissent pas sur les récepteurs GABA. Elles se fixent directement sur les canaux calciques des neurones. Cela réduit l’entrée de calcium dans les terminaisons nerveuses, ce qui diminue la libération de substances qui amplifient la douleur. La prégabaline, elle, se lie six fois plus fort à ces canaux que la gabapentine. Elle a aussi un effet supplémentaire : elle empêche le transport de ces canaux depuis les ganglions de la racine dorsale jusqu’à la moelle épinière. Cela pourrait expliquer pourquoi elle agit plus vite et plus efficacement chez certains patients.

Différences clés : absorption, dose et efficacité

Voici où les choses deviennent concrètes. La gabapentine est absorbée de manière saturable : si vous prenez 900 mg, votre corps absorbe 60 % du médicament. Mais si vous passez à 3 600 mg, l’absorption chute à 33 %. Cela veut dire que doubler la dose ne double pas l’effet. La prégabaline, elle, est absorbée à plus de 90 % quel que soit le dosage. C’est un avantage majeur : vous savez exactement combien de médicament entre dans votre corps.

La gabapentine met 3 à 4 heures pour atteindre son pic dans le sang. La prégabaline, elle, agit en moins d’une heure. Pour un patient qui souffre d’une crise soudaine de douleur, cela fait toute la différence. De plus, la prégabaline continue à améliorer la douleur jusqu’à 600 mg par jour. La gabapentine, elle, atteint un plafond vers 1 800 mg : au-delà, vous prenez plus de médicament, mais pas plus d’effet.

En termes d’équivalence, 450 mg de prégabaline par jour produisent un effet comparable à la dose maximale de gabapentine. Cela signifie que vous avez besoin de moins de prégabaline pour obtenir le même résultat. Mais attention : ce n’est pas une question de « meilleure » ou « moins bonne ». C’est une question de « plus adaptée » à votre situation.

Patient au lit avec des bouteilles de médicaments et des indicateurs de vitesse et d'absorption.

Effets secondaires : ce que les patients ressentent vraiment

Les deux médicaments peuvent provoquer des étourdissements, une somnolence, une prise de poids, et une sensation de « tête lourde ». Sur les plateformes de témoignages, 32 % des utilisateurs de prégabaline rapportent des étourdissements, contre 28 % pour la gabapentine. La prise de poids est plus fréquente avec la prégabaline (27 % contre 22 %), mais certains patients préfèrent la gabapentine pour dormir, car à haute dose, son effet dure plus longtemps. Un patient sur Reddit a écrit : « À 900 mg le soir, la gabapentine me garde endormi toute la nuit. La prégabaline, elle, s’éteint trop vite. »

La dépendance et l’abus sont des risques réels. En 2020, la FDA a imposé des mesures de contrôle pour la prégabaline, car elle est plus souvent impliquée dans les surdoses combinées avec des opioïdes. Entre 2012 et 2021, les décès liés aux gabapinoïdes ont triplé. La prégabaline représente 68 % de ces cas, malgré un nombre de prescriptions bien inférieur à celui de la gabapentine.

Comment on les prescrit ?

Le début du traitement est crucial. Pour la gabapentine, on commence à 300 mg par jour, puis on augmente de 300 mg tous les 3 à 7 jours, jusqu’à 900-3 600 mg par jour. Cela peut prendre plusieurs semaines. Pour la prégabaline, on commence à 75 mg deux fois par jour, puis on passe à 150 mg deux fois par jour dans la semaine. On peut monter jusqu’à 300-600 mg par jour. La prégabaline permet une titration plus rapide, ce qui est utile après une chirurgie ou une poussée aiguë.

Si vos reins ne fonctionnent pas bien (clairance de la créatinine < 60 mL/min), les deux médicaments doivent être ajustés. Mais la prégabaline est plus simple : on divise simplement la dose par deux. Pour la gabapentine, il faut faire des calculs complexes. C’est un point important pour les patients âgés ou ceux avec une insuffisance rénale.

Coût et accessibilité : le vrai frein

En France, la gabapentine générique coûte environ 10 à 15 euros par mois. La prégabaline, même en générique, peut coûter 80 à 120 euros. C’est un écart de 8 à 10 fois. C’est pourquoi la gabapentine reste le médicament le plus prescrit - 68 millions de prescriptions aux États-Unis en 2022 contre 12 millions pour la prégabaline. Mais la prégabaline génère plus de revenus, car elle est plus chère. Dans les hôpitaux et les centres de douleur, elle est plus fréquente. En médecine générale, c’est la gabapentine qui domine.

Beaucoup de patients abandonnent la prégabaline parce que leur mutuelle ne la rembourse pas complètement. Sur GoodRx, 45 % des commentaires négatifs sur la prégabaline mentionnent des problèmes d’assurance. Pour la gabapentine, ce chiffre tombe à 22 %. Si vous êtes sur un budget serré, la gabapentine reste une option viable - surtout si votre douleur est stable.

Deux pilules caricaturales en rivalité sur une étagère de pharmacie avec des prix très différents.

Nouveautés et avenir

En 2023, une nouvelle forme de prégabaline à libération prolongée (Enseedo XR) a été approuvée. Elle permet une prise unique par jour, avec moins de variations dans le sang. Cela réduit les effets secondaires et améliore l’observance. Des chercheurs de l’Université de Californie testent actuellement des molécules qui ciblent uniquement la partie du canal α2δ responsable de la douleur, en évitant celle qui cause les étourdissements. Les premiers résultats montrent une réduction de 40 % des vertiges, sans perte d’efficacité.

Le marché des gabapinoïdes devrait croître de 4,2 % par an jusqu’en 2028, surtout à cause de l’augmentation du diabète. En 2023, 11 % des adultes aux États-Unis en sont atteints, et la moitié développera une neuropathie. En France, les chiffres sont similaires. Les deux médicaments resteront des piliers du traitement jusqu’en 2030, selon la Fédération européenne de la douleur.

Comment choisir entre les deux ?

Voici un guide simple :

  • Choisissez la prégabaline si : vous avez besoin d’un effet rapide, votre douleur est intense et instable, vous pouvez vous permettre le coût, et vos reins fonctionnent bien.
  • Choisissez la gabapentine si : votre douleur est stable, vous avez un budget limité, vous avez besoin d’un effet prolongé la nuit, ou vous avez une insuffisance rénale légère et préférez une posologie plus simple à ajuster.

Il n’y a pas de « meilleur » médicament. Il y a le « mieux adapté ». Certains patients commencent par la gabapentine, et si elle ne suffit pas, passent à la prégabaline. D’autres, surtout en centre de douleur, commencent directement par la prégabaline pour gagner du temps.

À retenir

La douleur neuropathique est complexe, mais elle peut être soulagée. La gabapentine et la prégabaline sont des outils puissants, mais elles ne sont pas magiques. Elles demandent du temps, de la patience, et une adaptation fine. La prégabaline est plus rapide, plus prévisible, mais plus chère. La gabapentine est plus ancienne, moins coûteuse, mais plus difficile à doser. Le choix dépend de votre douleur, de votre corps, et de votre vie. Parlez-en à votre médecin. Ne vous arrêtez pas à la première réponse. Votre douleur mérite une solution sur mesure.

La prégabaline est-elle plus efficace que la gabapentine ?

Oui, dans la plupart des cas. La prégabaline agit plus vite, avec une absorption plus constante et une efficacité plus prévisible. Des études montrent qu’elle réduit la douleur de 50 % chez 30 à 40 % des patients atteints de neuropathie diabétique, contre 20 à 30 % pour la gabapentine. Mais cette efficacité supérieure ne signifie pas qu’elle fonctionne pour tout le monde. Certains patients répondent mieux à la gabapentine, surtout pour la douleur nocturne.

Puis-je prendre la gabapentine et la prégabaline ensemble ?

Non, ce n’est pas recommandé. Les deux médicaments agissent sur les mêmes cibles. Les prendre ensemble n’augmente pas l’efficacité, mais augmente fortement les risques d’effets secondaires : somnolence, étourdissements, vertiges, et risque de dépendance. Si un médicament ne suffit pas, on change, on ne combine pas.

Combien de temps faut-il pour sentir l’effet ?

Avec la prégabaline, certains patients ressentent une amélioration en 24 à 48 heures. Avec la gabapentine, il faut souvent 3 à 7 jours, voire plus. Mais pour un effet stable, il faut généralement 2 à 4 semaines d’ajustement de dose. Ne vous découragez pas si vous ne sentez rien au début. C’est un traitement progressif.

La gabapentine fait-elle grossir ?

Oui, mais moins que la prégabaline. Environ 22 % des patients prenant de la gabapentine prennent du poids, contre 27 % avec la prégabaline. Cela vient d’une augmentation de l’appétit et d’un ralentissement du métabolisme. Si vous prenez ces médicaments, surveillez votre poids et discutez avec votre médecin si vous gagnez plus de 2 à 3 kg en quelques semaines.

La prégabaline est-elle addictive ?

Elle n’est pas addictive comme les opioïdes, mais elle peut provoquer une dépendance psychologique et physique, surtout si elle est prise à haute dose ou combinée avec des antidouleurs puissants. Des cas de sevrage ont été rapportés : anxiété, insomnie, transpiration, et douleurs accrues. Il ne faut jamais l’arrêter brutalement. Le sevrage doit être progressif, sous surveillance médicale.

Que faire si ça ne marche pas ?

Si après 6 à 8 semaines, avec une dose optimale, la douleur ne baisse pas de 30 %, il faut revoir la stratégie. Ce n’est pas un échec du médicament - c’est un signal que votre douleur a besoin d’une autre approche. D’autres traitements existent : les antidépresseurs comme la duloxétine, les patchs de lidocaïne, la stimulation nerveuse, ou même la thérapie cognitive. La douleur neuropathique est souvent multifactorielle. Un seul médicament ne suffit pas toujours. Parlez à un spécialiste de la douleur. Vous n’êtes pas seul.